Les Centres d’insertion socioprofessionnelle (CISP) menacés et mis au chantage par leur ministre de tutelle…

Le ministre de l’Emploi et de la Formation P.Y. Jeholet a une vision bien personnelle de la gestion en affaires courantes qu’il se doit d’assurer après les élections et en attendant la mise en place d’un nouveau Gouvernement. Profitant de ce moment de flottement de notre système démocratique, il lance ses dernières flèches empoisonnées au secteur des CISP et menace de leur couper les vivres (entendez de ne pas leur verser les subsides programmés).

Alors que les projecteurs sont tournés vers les formateurs du prochain Gouvernement wallon, P.Y. Jeholet se transforme en guillotineur du secteur CISP. Une dernière vengeance d’un ministre agissant en toute puissance sous des dehors de grand défenseur des deniers publics. Mais est-ce défendre le bien public que menacer la formation de milliers de demandeurs d’emploi peu qualifiés remis à flot dans les CISP ? Est-ce de la bonne gouvernance que de couper les vivres à un secteur à quelques jours de l’échéance des paiements des subsides et ainsi menacer des centaines d’emplois non marchands ?

« Signez-là ! ou… »

Le ministre de tutelle refuse de verser aux centres pour ce 30 juin 2019 les subventions qui correspondent au solde 2018 et à la 2ème avance 2019 du subside lié à l’agrément des CISP, soit un peu moins de 30 millions d’euros !

Plus grave encore, telle une dernière « Trumperie », le ministre menace les centres (pourtant réagréés en bonne et due forme en 2017) d’enclencher la procédure de suspension ou de retrait d’agrément des CISP s’ils n’ont pas signé le contrat de coopération avec le Forem !

Le contrat de coopération prévoit les modalités de la collaboration entre les opérateurs d’insertion et le Forem. Le précédent contrat de coopération a fait l’objet d’une évaluation dont les conclusions soulignent un avis très critique et défavorable tant de l’ensemble des opérateurs partenaires que du Forem. Il était donc à réformer en profondeur. L’Interfédé des CISP a émis plusieurs propositions de remaniement de ce texte. À titre d’exemple, aujourd’hui l’étanchéité entre le service d’accompagnement et de contrôle n’est pas garantie. Faisant fi de la concertation en cours et des remarques émises par les opérateurs, le ministre a envoyé une obligation de signature d’un texte insatisfaisant et non validé par tous, pour le 30 avril 2019. Une demande de délai a été introduite par l’Interfédé pour poursuivre les discussions.

Le secteur des CISP ne s’est jamais opposé à la signature d’un contrat de coopération et nous avons eu l’occasion de l’indiquer lors des diverses réunions de travail avec le Forem et le cabinet du ministre. Notre demande a toujours été de poursuivre les négociations. Aujourd’hui, le ministre interprétant les « affaires courantes » comme une « licence to kill », remet la pression et met à exécution sa menace de ne pas payer les subsides ce 30 juin et d’enclencher la procédure de retrait d’agrément aux centres qui n’ont pas signé le contrat de coopération. Autrement dit, la concertation se résume au couteau sous la gorge. Une mesure de rétorsion peu digne d’un État de droit démocratique.

Un secteur malmené et sous le choc

Depuis la prise de fonction du ministre de l’Emploi et de la Formation mi-2017, le secteur CISP a dénoncé sans relâche sa politique et sa volonté de remettre en question l’action réalisée par nos centres vis-à-vis des demandeurs d’emploi peu qualifiés, fort éloignés du marché du travail. Nous avons mené une course contre la montre sur une série de dossiers qu’il s’agisse du guide des dépenses éligibles qui contraint notre liberté associative et notre autonomie de gestion ; de la révision de notre arrêté CISP qui met l’accent sur les aspects contrôle et résultats, niant notre action citoyenne et sociale envers les publics que nous accueillons ; de la réforme APE et son décret réception, transférant les moyens des CISP vers le secteur privé marchand et nous considérant comme de simples sous-traitants du Forem ; du dossier unique du demandeur d’emploi qui tel que conçu sera davantage un instrument de traçabilité et de sanction qu’un véritable outil d’orientation et d’accompagnement du demandeur d’emploi pour son insertion sur le marché de l’emploi. Et il y en a malheureusement d’autres encore.

Les maitres mots du ministre sont efficience et efficacité, à n’importe quel prix ! Nos réglementations sont modifiées sans aucune évaluation objective préalable, sans aucune prise de recul pour en mesurer pleinement les conséquences. Nous avons tenté de disposer d’espaces de discussions et de concertation ; les quelques rares obtenus, l’ont été à l’arraché. Et encore, la concertation n’était jamais au rendez-vous, juste de l’échange d’information. Et que dire des espaces de réflexion et de construction collective… inexistantes.

Ce dernier coup de massue signe une nouvelle menace grave pour le secteur CISP, pour l’avenir des demandeurs d’emploi peu qualifiés, pour l’emploi de plusieurs centaines de travailleurs du secteur CISP.