Tous les deux ans, l’Interfédé réalise, sur base des rapports d’activités annuels transmis par les CISP au Service public de Wallonie (SPW), l’analyse des données relatives aux stagiaires en CISP et à l’offre de formation. La mise à jour des chiffres-clés est, quant à elle, menée annuellement. Ces données permettent de réaliser un état des lieux du secteur et le suivi de ses évolutions.

Les chiffres-clés de 2021-2022 avaient permis de mettre en lumière la résilience du secteur des CISP après le coup d’arrêt important auquel il avait été contraint à la suite de la crise engendrée par le Covid19. La plupart des indicateurs importants étaient repartis à la hausse, bien que toujours largement en-deçà de la période d’avant Covid. Pour nous permettre de confirmer cette tendance, …, les chiffres de 2023 étaient particulièrement attendus, d’autant que ce sont les premiers qui ne sont plus soumis aux mesures de soutien exceptionnelles liées à la crise sanitaire, octroyées par la Wallonie.

Heures de formations et stagiaires en 2023 : un retour en force

L’année 2023 également marquée par le réagrément de la plupart des centres (127 au total), n’a vu aucun nouvel opérateur être agréé. Deux centres ont cessé leurs activités, portant le total de structures à 151. Parmi ces centres, 76 proposent des formations selon la méthodologie DéFI, 57 centres sont des entreprises de formation par le travail (EFT), les 18 restants proposent des formations en DéFI et en EFT. Le nombre de filières de formation organisées grimpe de 452 en 2022 à 472 en 2023. Plus de la moitié des filières (58%) sont des formations professionnalisantes menant à un métier, suivies par les formations de base (28%) et les formations d’orientation professionnelle (15%).

Le nombre de stagiaires sous contrat de formation augmente de +11,9% par rapport à 2022, atteignant un total de 14 345 personnes prises en charge par les CISP, sans compter les personnes réorientées. Cette augmentation se traduit dans toute la Wallonie, chaque bassin EFE (1) voyant son nombre de stagiaires progresser.

L’évolution est aussi positive pour ce qui concerne le volume d’heures de formation. Si le nombre d’heures agréées reste stable entre 2022 et 2023, le taux de réalisation des heures agréées augmente fortement, passant de 85,4% en 2022 à 97,7% en 2023. A l’inverse, le nombre d’heures assimilées diminue de 7,7%. On retrouve ainsi un ratio d’heures assimilées par rapport aux heures prestées similaire à celui d’avant la crise (12,4%). Comme pour le nombre de stagiaires, la hausse des heures réalisées est observée dans l’ensemble des bassins EFE.

Le nombre de stagiaires sous contrat de formation augmente de +11,9% par rapport à 2022, atteignant un total de 14 345 personnes prises en charge par les CISP, sans compter les personnes réorientées.

Évolution du profil des stagiaires : une précarisation croissante

Le public des CISP souffre souvent de stigmatisation. Pour aller au-delà des discours préconstruits, il est intéressant d’en détailler sa composition. Le secteur des CISP connaît une parité hommes/femmes quasiment parfaite, bien qu’inégalement répartie. Les femmes sont majoritaires dans les formations de base (55%) et d’orientation professionnelle (55%). Elles restent minoritaires dans les formations professionnalisantes (45%). Une large majorité des stagiaires sont de nationalité belge (62%), mais sur le moyen terme, cette catégorie connaît une légère tendance à la diminution. Si la proportion de stagiaires issus d’un pays de l’Union européenne est relativement stable, la proportion de stagiaires issus d’un pays hors de l’Union européenne connaît une tendance à la hausse.

Le public des CISP est peu scolarisé : près de deux tiers des stagiaires ne possèdent pas de CESS (2) , confirmant que les centres rencontrent leur public cible. Néanmoins, on observe une

légère tendance à la hausse de la proportion de stagiaires détenteurs du CESS ou d’un diplôme supérieur, ainsi que de la proportion de stagiaires détenteurs d’un diplôme étranger non reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’information la plus marquante de l’évolution du public des CISP ne transparaît pas dans les données étudiées dans l’Analyse stagiaires et offre de formations mais bien dans l’Analyse précarité 2023 (3) . Cette analyse, réalisée à partir d’informations complémentaires récoltées auprès des centres, avait révélé une large baisse de la proportion de stagiaires bénéficiant des allocations de chômage ou d’insertion. A l’inverse, cette analyse mettait en lumière l’augmentation de la part de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale ou de l’aide sociale équivalente, mais aussi et surtout la forte augmentation de la proportion de stagiaires sans aucune allocation ni aucun revenu lié à un travail. Ainsi, les centres accueillent un public de plus en plus précarisé, ce qui entraîne forcément de nouveaux défis à relever.

Parcours des stagiaires : les bénéfices d’un passage en CISP

Au 31 décembre 2023, près de 40% des stagiaires sous contrat ont terminé leur formation, 34% doivent poursuivre leur parcours en 2024, tandis que 26% ont arrêté avant la fin. Ce dernier chiffre peut sembler élevé mais il faut le remettre en perspective avec le public accompagné et les difficultés auxquelles il est confronté. L’étude “AMAC” (4), réalisée par l’Interfédé, avait mis en évidence la complexité de cette problématique. Elle soulignait également la proactivité des centres pour lutter contre ce phénomène en développant de nombreuses pratiques favorisant l’accroche des stagiaires.

Parmi les stagiaires ayant terminé leur formation et dont on connaît la suite de parcours, 24% ont accédé à l’emploi et 45% ont entamé une nouvelle formation. Ainsi, plus de deux tiers des stagiaires connaissent une issue positive après leur passage en CISP. Si ces résultats sont encourageants, surtout au regard du public accompagné et des nombreux défis qu’il rencontre, cela peut être affiné selon la catégorie de formation. Pour ce qui concerne les formations professionnalisantes, le taux de mise à l’emploi s’élève à 42%. Dans les formations de base et les formations d’orientation professionnelle, le taux de mise à l’emploi des stagiaires grimpe respectivement à 11% et 17%, alors même que l’objectif de ces filières est la remise à niveau et la définition d’un projet d’insertion.

Au-delà de ces données chiffrées, une formation en CISP engendre de nombreux bénéfices pour les stagiaires, moins facilement quantifiables mais non moins essentiels, tels que l’augmentation de la confiance en soi, la construction d’un projet professionnel, la réduction de la fracture numérique ou l’amélioration des compétences transversales. Cela avait été objectivé par l’étude “Bien-être et insertion” (5) réalisée par la fédération CAIPS.

Parmi les stagiaires ayant terminé leur formation et dont on connaît la suite de parcours, 24% ont accédé à l’emploi et 45% ont entamé une nouvelle formation.

Un secteur résilient qui s’adapte aux nouveaux défis

Les chiffres de 2023 confirment la dynamique positive du secteur, déjà observée en 2022, avec une augmentation de la plupart des indicateurs (nombre de stagiaires, heures de formations, etc.). Bref, le secteur CISP revient en force ! Cette progression se fait en parallèle d’une précarisation croissante des personnes accompagnées. Ce constat témoigne de la capacité des centres à accueillir un public en difficulté et de la pertinence des actions menées sur le terrain, confirmant la singularité et le caractère essentiel du dispositif développé par les CISP. Face aux défis à venir, il est essentiel de maintenir et de renforcer ces dispositifs afin de garantir une insertion durable aux personnes les plus éloignées du marché du travail.

Par Simon Romain, Responsable de projets-analyses à l’Interfédé

 

[Cet article provient de l’essor n°111]

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(1) : Bassin Emploi, Formation et Enseignement qualifiant.

(2) : Certificat d’Enseignement Secondaire Supérieur.

(3) : “Analyse des données Précarité des stagiaires CISP”, Interfédé, 2024.

(4) : “Abandon, mobilisation et accroche des stagiaires en CISP”, Interfédé, 2024.

(5) : “Bien-être et insertion en CISP”, CAIPS, 2020.