© Pourquoi pas toi
Publié le 27/11/25
Une nouvelle équipe, une nouvelle vision, une nouvelle dynamique. Et toujours cette impression qu’on redécouvre l’eau chaude. Cette fois, c’est le “parcours vers l’emploi gradué et intégré” qui fait son entrée. Un revirement de paradigme, nous dit-on : une politique d’insertion centrée sur les besoins de la personne éloignée de l’emploi.
Vraiment ?
Comme si nous avions attendu les injonctions des nouvelles équipes ministérielles pour nous en soucier ! Après tout, c’est l’essence même des CISP, un de leurs fondamentaux, de faire progresser le stagiaire dans son projet professionnel, et tenter de répondre dans le même temps aux besoins du monde du travail, de travailler à “l’employabilité”. Tout un programme.
Et ce n’est pas tout : en CISP, le stagiaire entre dans une dynamique positive, un environnement qui favorise l’estime de soi et redéploie les savoir être et savoir-vivre en société, qui mobilise.
Accompagnateurs psycho-sociaux, référents mobilité, mise en place de filières spécifiques pour les publics en incapacité de travail de longue durée, pour les personnes détenues… Tout cela participe à une approche globale de la personne misant sur la confiance en soi, en l’autre, pour inclure.
Le travail collaboratif avec les opérateurs publics de formation, avec les dispositifs de validation des compétences, favorise la certification. La création d’un réseau local solide avec le monde entrepreneurial, construit patiemment depuis des années – parfois des décennies –, permet d’ajuster les modules de formation et de mener à l’emploi.
Les CISP proposent une approche qui part des besoins et du projet professionnel de chacun des stagiaires, une approche qui respecte leurs choix. Nous savons que ce n’est pas gagné pour tous. Nous savons que les parcours linéaires n’existent pas pour les publics qui sont les nôtres. A contrario, nous savons les trajectoires sinueuses, compliquées, parfois chaotiques.
Alors, attention aux solutions simplistes ! Souvenons-nous de la mise en place des trajets de soins dans le secteur de la santé. Pensés pour fluidifier, leur logique trop rigide, trop cloisonnée a fini par exclure au lieu d’inclure. Aujourd’hui, une réflexion et un travail de longue haleine sont menés avec tous les acteurs, à différents niveaux (micro-, méso-, macro-), pour en corriger les écueils et mettre en place une culture de soins intégrés.
Alors si l’on veut réinventer la notion de parcours, faisons-le correctement et ensemble, monde politique et acteurs de terrain.
Car entrer dans une dynamique “intégrée”, ce n’est pas un simple changement de vocabulaire. C’est un changement de culture. Cela exige que chaque acteur prenne le temps de se concerter et se coordonner avec les autres afin de répondre au mieux aux besoins des demandeurs d’emploi. Ce travail déjà bien entamé doit pouvoir se poursuivre : reconnaître et articuler au mieux les complémentarités entre opérateurs.
La place des CISP doit être reconnue.
Pourquoi devons-nous justifier que nous ne faisons pas “que” du préqualifiant ? Pourquoi devons-nous encore et toujours défendre notre approche holistique qui travaille tout autant à l’acquisition et au renforcement des compétences qu’à la levée des freins à l’emploi ? Pourquoi devons-nous sans cesse réexpliquer notre expertise ? Quand va-t-on enfin nous reconnaître comme un acteur de proximité de l’inclusion socioprofessionnelle ?
Nous sommes des acteurs de confiance. Nous sommes des acteurs qui articulons projet professionnel et besoins du marché du travail. Nous sommes des acteurs qui offrons une réponse intégrée aux défis de l’insertion.
Plutôt que de réinventer la roue, nous aimerions qu’on fasse appel à notre expertise et à notre expérience pour construire ensemble.
Car, pendant ce temps, les enjeux sociaux et sociétaux s’accumulent : l’accueil de nouveaux publics, la détérioration de la santé mentale, la crise du logement, les problèmes d’accès à la mobilité, la fracture numérique, la précarisation galopante…
Autant de défis qui exigent coordination, intelligence collective, et reconnaissance mutuelle.
Aujourd’hui, le dialogue avec le gouvernement wallon est difficile. Les CISP sont caricaturés, pas concertés, pas écoutés. Les mesures sont imposées d’en haut, alors que nous sommes en attente d’un travail collectif et respectueux, qui permet aux acteurs de coconstruire sereinement ce parcours intégré, dans une démarche d’amélioration continue et de reconnaissance des plus-values de chacun.
Par ANNE REMACLE, Présidente de l’Interfédé

