Publié le 18/12/25
La qualification est devenue un passage quasi incontournable vers l’emploi durable, mais pour beaucoup de stagiaires, le chemin reste difficile. Les CISP construisent des passerelles réalistes et progressives. Leur mission est de préparer et d’accompagner les stagiaires vers des dispositifs qui certifient, comme la validation des compétences, l’enseignement pour adultes ou encore des filières qualifiantes conduisant à l’obtention de brevets sectoriels.
La reconnaissance des acquis d’apprentissage est au cœur de cette démarche : elle valorise ce qui est déjà maîtrisé, sécurise le parcours et facilite l’accès à une qualification. Même si tous les stagiaires ne visent pas un diplôme certifiant, le simple fait d’avoir cette possibilité constitue déjà une vraie victoire.
Il y a des initiatives que plusieurs CISP mettent en place pour atteindre ces objectifs.
Une bonne communication et un travail continu avec ses partenaires
Notre centre propose différentes formations DEFI qui ouvrent la voie vers le qualifiant. Parmi nos offres, nous comptons la préparation aux épreuves du CESS, des passerelles vers l’enseignement pour adultes, des brevets sectoriels.
Pour bien préparer nos stagiaires à ces parcours, nous investissons beaucoup de temps dans la relation avec nos partenaires, mais aussi dans le fait de rester au courant de ce qui se passe en formation pour adultes ou dans les épreuves du jury du CESS. Il est essentiel d’être toujours en accord avec eux. À titre d’exemple, avec la formation pour adultes, nous rencontrons chaque professeur afin de comprendre ses attentes et sa manière d’évaluer. Cela nous permet d’adapter au mieux la préparation des stagiaires et de faciliter leur réussite.
Cette relation de confiance nous permet de partager beaucoup d’informations avec les enseignants que nous retravaillons après avec les stagiaires. C’est véritablement dans cette collaboration que résident la force du partenariat et la clé pour ouvrir la voie vers la qualification.
Il faut également tenir compte des difficultés rencontrées par nos apprenants : manque de prérequis, représentations parfois erronées du métier choisi ou de ce que signifie reprendre des études. Beaucoup découvrent qu’ils n’ont jamais vraiment appris à apprendre. Pour y répondre, nous utilisons la méthode de gestion mentale, une méthodologie utilisée avec un public dys- dans l’éducation formelle, particulièrement efficace pour soutenir nos publics.
Carmen et Pascale, directrice et coordinatrice pédagogique d’ESOPE.
Adaptation de la méthodologie d’évaluation et la mise en situation
L’EFT l’Appui nous explique comment ses évaluations approchent et démystifient la peur de passer une épreuve de validation des compétences. D’une manière astucieuse, l’équipe place les stagiaires en situation :
Nous organisons des formations, comme celle d’ouvrier de recouvrement mural, qui reste l’une des plus accessibles pour passer les épreuves de la validation de compétences (VDC). Pour aider nos stagiaires à dépasser la peur de la VDC, nous organisons chaque quadrimestre des évaluations comparables à ce qu’ils vivront lors d’une épreuve officielle, où l’objectif est de démontrer la maîtrise de certaines capacités techniques. Ils reçoivent les consignes et une description du résultat attendu et c’est le stagiaire qui nous donne la liste de matériel qu’ils ont utilisés. Ils disposent pour ce faire d’un délai similaire à celui d’une épreuve de VDC, l’esprit reste le même : des tâches, des critères, de l’autonomie. Ces mises en situation nous permettent de repérer leurs difficultés : la gestion du temps, la technique à maîtriser, le stress… Ensuite, on prend le temps de débriefer avec le stagiaire et les formateurs pour voir où ça bloque et retravailler ensemble. Comme l’évaluation se passe en milieu de formation, il reste du temps pour progresser
Avec cette méthode, on veut vraiment dédramatiser la VDC et montrer aux stagiaires qu’ils ont déjà les capacités et les compétences pour réussir.
Ludivine, coordinatrice pédagogique à l’EFT l’Appui.
Franchir les étapes et se confronter à la réalité
À l’EFT Passerelle, on organise la formation d’auxiliaire d’enfance ; notre formation en alternance combine la formation en EFT et l’enseignement pour adultes (ex-promotion sociale). Dès l’entrée, un examen écrit et une interview de motivation permettent d’évaluer les compétences de base et la motivation des stagiaires. Ce processus nous aide à cibler les besoins de chacun : certains avancent sans difficulté, d’autres ont besoin d’un accompagnement adapté. L’essentiel est de créer, avec nos partenaires, les conditions qui leur permettront d’aller jusqu’au certificat.
Dès les premiers jours, nous mettons les stagiaires en situation concrète pour vérifier si le secteur correspond vraiment à leurs attentes. Travailler avec les enfants demande une bonne santé physique et psychique, mais aussi de la disponibilité aux horaires particuliers du secteur. La découverte se fait en théorie et sur le terrain, avec des stages d’observation. Comme nous sommes une EFT, nous pouvons accompagner les stagiaires dans leurs apprentissages théoriques en les reliant directement à la pratique : rédaction de rapports, structuration du travail… C’est ce cadre qui permet à un public souvent éloigné de l’emploi de réussir, là où un parcours classique serait trop difficile. Bien sûr, cela demande aussi un vrai travail de concertation avec nos partenaires de l’enseignement pour adultes.
Carine, Directrice de l’EFT La Passerelle
Lever les freins rencontrés sur le chemin de la qualification
Se qualifier, ce n’est pas un long fleuve tranquille. Dans la réalité, de nombreux obstacles viennent compliquer le parcours des stagiaires comme celui des centres qui les accompagnent. Les frais administratifs parfois trop élevés, associés à une charge administrative importante, représentent un poids considérable. À cela s’ajoute le manque de lieux de stage, qui limite concrètement les possibilités d’apprentissage sur le terrain et la qualification.
D’autres freins sont d’ordre structurel. La réforme du chômage, qui limite désormais les droits aux allocations de chômage à deux ans, réduit fortement l’accès à certaines formations longues pourtant nécessaires pour aller jusqu’au qualifiant. De plus, les dispositifs de formation qualifiante manquent encore de souplesse : horaires rigides, peu d’adaptations aux parcours atypiques, exigences difficilement compatibles avec un public comme celui des CISP.
Ces freins montrent à quel point la route vers la qualification reste exigeante, mais ils rappellent aussi l’importance du rôle des CISP : accompagner pas à pas, lever les obstacles autant que possible et maintenir la motivation des stagiaires malgré les difficultés. Plus qu’un objectif, la qualification devient un horizon.
Karen LAFEBRE MORA Coordinatrice pédagogique pour la Fédération Unessa
“À l’ENAIP, j’ai retrouvé confiance et je me suis relevée”
Amel, 43 ans, raconte son parcours au sein de l’ENAIP Liège avec enthousiasme et gratitude. Un parcours volontariste, clairvoyant… mais aussi accompagné par des professionnels très engagés.

Quand je suis arrivée en Belgique, j’avais de jeunes enfants. J’ai choisi d’être maman
au foyer pendant plusieurs années. Mais plus on reste à la maison, plus on s’oublie, plus on perd ses acquis professionnels. Quand mes enfants sont devenus plus autonomes, j’ai voulu
reprendre le chemin du travail. Après plus de dix ans d’inactivité, je n’ai été prise nulle part. Et je comprenais : mon âge, mon parcours d’étrangère, cette longue pause… j’avais tout pour ne pas être retenue !
Je n’ai pourtant jamais renoncé à mon domaine d’origine : ingénieure en biologie, spécialisée en analyse et contrôle qualité. Mais je n’avais pas fait reconnaître mon diplôme. Noyée dans la maternité, et face à des démarches entièrement numériques, je ne voyais pas comment y arriver. Alors, pour me relancer, j’ai tenté une formation d’assistante dentaire. Ce fut un échec. Je n’étais pas du tout à ma place, j’allais très mal. C’est là que j’ai compris qu’il fallait d’abord combler mes lacunes en informatique.
En cherchant sur internet, je suis tombée sur l’ENAIP et sa formation accélérée en bureautique de six mois. C’était exactement ce qu’il me fallait. Car pour consolider mon diplôme à l’Université, il fallait aussi passer par une procédure 100 % numérique, et je n’avais pas ce niveau. Dès le test d’entrée à l’ENAIP, je me suis sentie accueillie, comprise. Les formateurs ne sont pas là seulement pour “donner cours” : on sent qu’ils veulent accomplir une mission.
Je me souviens particulièrement de Fred, mon formateur. Un mercredi après-midi, alors qu’il n’y avait pas formation, il est resté pour m’aider à préparer mon dossier d’inscription à l’ULiège. Seule, j’aurais abandonné. Grâce à lui, j’ai pu tout faire correctement et dans les délais. Quand j’ai su que mon dossier était accepté, l’équipe a partagé ma joie comme si c’était la sienne. Sans ce soutien, je crois que j’aurais dû payer quelqu’un, ou que j’aurais renoncé. À l’ENAIP, j’ai trouvé des formateurs d’une patience incroyable, une équipe qui personnalise vraiment l’accompagnement. Même la secrétaire m’a encouragée : je devais contacter l’AFSCA mais jamais je n’aurais osé seule. Elle m’a dit : “Allez, tu le fais, je reste avec toi.” Ce genre d’encouragements change tout. Moi, j’étais un peu “molle”, comme je dis, et ils m’ont redonné une énergie énorme. Ils m’ont entraînée, boostée. Et je ne suis pas la seule : beaucoup d’autres sortent de là métamorphosés”.
Cette formation a été pour moi un vrai électrochoc, une remise en route. La formation est intensive, mais en même temps l’ambiance est très familiale, c’est incroyable. On est boostés, soutenus, jamais laissés de côté. Aujourd’hui, je sors de l’ENAIP pleine de confiance, sûre de moi. Je suis debout.
Propos récoltés par Céline LAMBEAU, Conseillère permanente chez CAIPS



